La Ville État Limite n°6 - Musique :
La Chorale "les Petits Chanteurs de Valenciennes", le Quatuor à cordes du Conservatoire de Denain, l'Ensemble Régional de Percussions & Forbidden Tales interprétent 4'33'' de John Cage
21 juin 2011
Critique de l'événement
Le sixième événement était consacré à la musique. A son expression. Normal, c’était le 21 juin, c’était sa fête. Valenciennes était en fête à des endroits circonscrits par le programme. Au seul lieu du Hangar, on a pu entendre plusieurs formations musicales : la Chorale "les Petits Chanteurs de Valenciennes", le Quatuor à cordes du Conservatoire de Denain, l'Ensemble Régional de Percussions et le groupe Forbidden Tales qui interprétaient l’œuvre intitulée 4'33'' du grand compositeur américain John Cage. La première audition des trois mouvements de cette œuvre fut interprétée par David Tudor et eut lieu le 29 août 1952 à Woodstock dans l’Etat de New York. 59 ans plus tard, et dans une ville de province, la puissance de l’œuvre demeure tout aussi indéniable.

Il ne se passe pas que des événements mineurs le 21 juin. Jouer au solstice d’été, quel moment de suspens ! En effet, avant l’interprétation de 4’33’’, œuvre majeure de John Cage, les musiciens en tous genres – du hardcore au quatuor à cordes – s’accordent, vérifient, fusionnent, chauffent les voix : « Valenciennes, Valenciennes, on fait de la dentelle »… pour mieux instaurer l’interprétation réussie d’un retour vers le monde extérieur. 4’33’’ de « silence » pendant lesquelles les bruits inorganisés de la ville, des spectateurs, des musiciens… surgissent dans leurs bruissements, leurs fulgurances, leurs résonances. L’œuvre inclut alors le monde le temps de l’interprétation, brise la dichotomie qui organise l’événement en deux ; ceux qui font et ceux qui écoutent. Troublante interprétation qui renvoie sa performance créatrice sonore et musicale vers les auditeurs et spectateurs par la sculpture d’une béance. La participation est du côté du cadre qui, en réalité, ne demeure pas vide de bruits, ni de sens. Moment à vivre en suspension, qui « petitement » invite à ouvrir ses esgourdes, à tendre le corps, à le maintenir dans l’incongruité d’un spectacle aussi sérieux qu’interrogateur. Rappel insidieux qui consiste à penser que la musique s’établit sur l’organisation du son et du silence. Cette performance jouée, rejouée dit à chaque fois la nécessité de nommer les choses. Les choses du dehors. Comme les bruits que, l’individu jeté dans le monde, perçoit. Cette performance redit l’infans, d’avant la structuration musicale ou langagière, que nous sommes. Heureusement, nous n’avons pas besoin de réinventer le langage tous les matins. Nos habitus parlent pour nous !

Merci aux musiciens, aux chanteurs qui ont permis cette « trêve » musicale le jour où on peut faire du bruit sans trop savoir pourquoi. Bel hommage à John Cage puisque cette « ouverture » a recueilli des sons qui surviennent de manière imprévue, accidentelle dans cette composition dont les mouvements ont été rigoureusement respectés. Un cadre nécessaire pour permettre une véritable expérience de l’écoute. Je ne me suis pas senti un seul instant intrus, mais désiré dans cette prestation à laquelle j’ai participé depuis ma respiration.

Antoine Jurga
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