LE SUJET POST-MODERNE - PSYCHOPATHOLOGIE DES ÉTATS-LIMITES
JEAN-JACQUES RASSIAL
(...) Mais je m'attarderai plutôt sur un troisième type de limite parce que je la reprends à un débat ancien avec P. Gutton à propos de l'adolescence et qui resurgit à propos des états-limites. C'est la limite proposée dans des termes tout à fait intéressants par A. Green, entre réalité interne et réalité externe. P. Jeammet propose l'hypothèse, qui décrit bien les choses au plan cliniqueet phénoménologique, d'une confusion entre la réalité interne et la réalité externe à l'adolescence.

Malgré l'absence de P. Gutton, je pose les choses de façon un peu polémique. La distinction entre l'interne et l'externe appartient au processus secondaires : elle est fondamentalement imaginaire. Selon moi, cette confusion que nous observons tous et qui s'instaure à l'adolescence renvoie un autre type de distinction, que je préfère nommer en me situant du côté de ce que Lacan tente de soutenir comme la limite entre le réel et la réalité. J'ai essayé sans y aboutir dans mon livre d'affiner l'évolution non seulement de la catégorie de réel chez Lacan, mais les conséquences que cela a sur la catégorie de la réalité.

La première définition que la Lacan donne du réel c'est une définition purement négative, vous le savez, pour fonder sa distinction Réel-Imaginaire-Symbolique sur un monde logique, et comme tous les cliniciens des états-limites, il reprend le texte de Freud sur la Verneinung, sur la délégation. À ce moment-là, Lacan nomme le réel comme ce qui n'est pas symbolisable. Ce qui est symbolisable est marqué d'une Bejahung, d'un « oui je le symbolise », et le réel se constitue de ce qui n'est pas symbolisable, de ce qui est rejeté, expulsé. Il suit une lecture, voisine d'ailleurs de celle de M. Klein, à propos de la Verneinung, de ce qu'elle appellera la distinction du bon et du mauvais objet. Je ne m'attarde pas sur la question du réel.

La réalité, associée à ce premier sens du mot réel, évidemment se trouvera à l'autre extrémité de l'appareil psychique. On peut essayer de métaphoriser cette affaire. J'ai essayé de le faire par une bande comme le fait d'ailleurs Green en reprenant Freud, mais d'une façon différente puisque Green ne met pas le réel à un bout, il met le soma, il ne met pas la réalité à l'autre bout, il met la réalité externe uniquement. pour Lacan, à partir du moment où il a défini le réel comme négatif, non symbolisable, la réalité va se trouver à l'autre bout de la chaîne, c'est à dire du côté de l'imaginaire comme ce qui est construit à partir de l'ensemble des représentations symbolisées. La réalité c'est ce que je vais pouvoir retrouver d'un point de vue spéculaire aussi bien du côté du Moi, c'est l'image du corps, que du côté du monde externe, à partir, de la présentation des objets (object-presenting, Winicott). La réalité est fondamentalement imaginaire non pas dans le sens où elle ne serait pas appuyée sur quoi que ce soit (...)