Arts Plastiques : La mécanique du sublime
02 novembre 2011 - De 19h à 19h
Critique de l'événement
Je n'aurais pas trouvé un titre aussi juste pour une exposition actuelle : La Mécanique du sublime. Pourquoi ? Parce que je n'ai pas particulièrement travaillé à propos de cette exposition et que donc nulle formule, dont la force tient à l'évidence de son énonciation, ne m'est venue à l'esprit. Faut y être confronté pour trouver une expression de la sorte : La Mécanique du sublime ; oxymore qui oblige à repenser le sublime comme entité antagoniste de la matérialité et comme matière en inéquation avec une appréhension mécanique du monde, celle de la réduction à des rouages, à des dispositifs d'exécution par la machine ou une combinatoire artisanale, comme s'il existait un biais mécanique autorisant à évacuer l'homme et le sensible de la création. Mais le sublime exige, dans la réalité, une réponse à cet oxymore. L'exposition propose de refaire le chemin vers l'élévation qui a suscité l'oeuvre, par l'affirmation de la réduction de l'art à son fonctionnement. Qu'à son fonctionnement. Il est convenu qu'un dispositif artistique repose sur une « fabrication » qui peut revêtir plus ou moins des aspects pragmatiques de sa possibilité, de son entéléchie. Mais seulement au service de ce qui permet la transcendance de l'oeuvre ou celle de l'individu qui va à sa rencontre. D'accord.

L'exposition veut signifier la perte du chemin vers la transcendance, mais paradoxalement, permet dans son dispositif métonymique un accès nouveau, un chemin à l'envers, pour re-convoquer l'origine de toute oeuvre. Si on se prenait au jeu, on pourrait dire qu'il s'agit d'une exposition véritablement exceptionnelle qui réunit Taeuber-Arp, Bacon, Spoerri, Rauschenberg., pour les plasticiens et conceptuels, Laurence Sterne, Arthur Rimbaud., pour les écrivains et poètes ; ça serait vendeur... j'vois déjà les affiches à Beaubourg. Les créateurs sont néanmoins comme présents, en raison d'une réactivation de leur processus créationnel, s'arrogeant le droit de préserver ouvert le chemin vers cet endroit saisissant au-delà de l'oeuvre, qui constitue l'objet même de leur quête et de leur engagement. Les ersatz, les substituts, les synecdoques, les pastiches, les citations partielles. indiquent une voie ramenant vers la part qui, matériellement, mécaniquement, fait défaut dans l'oeuvre, celle autour de laquelle elle s'est érigée en extorquant une part de son avènement pour nous rappeler sans cesse l'importance de l'art et de l'expérience qu'il propose. Il faut comprendre que la fonction élévatoire se substitue à la fonction élévatrice de la pratique artistique qui serait en péril parce que les domaines du sensible ne sont plus exercés, ne sont plus fréquentés, ne sont plus visités. Et merde !

La mécanique aurait tendance - certaine - à réduire le chemin à la métonymie de l'oeuvre de référence, à l'agencement savant, à la narration. Certes, le chemin a besoin d'une balise pour indiquer un possible retour, mais on ne peut se satisfaire d'une évocation des oeuvres du passé, diluées dans l'inconscient collectif, dissoutes dans une culture commune occidentale. La mécanique comme tremplin. Le sublime doit son existence à la réalité concrète qui, dans sa réduction, autorise à envisager d'autres lieux. Merci.


Antoine Jurga
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