La Ville État Limite n°8 - Performance :
"Vous êtes ici !" - Jean-Louis Pamart
28 aout 2011
Critique de l'événement
Et même Binbin n’y peut rien ! Pourtant il est grand. Faut dire qu’on le sort que pour lui faire faire un parcours dans la ville une fois par an. Le même tous les ans. Un géant qui amuse. Bonhommie. Couleurs du Nord… Le pauvre, il n’a guère de pouvoir. Les citoyens apprécient le défilé en oubliant les raisons, les racines et les origines. Et si on se demandait comment notre environnement nous « pense », exerce une influence diffuse mais certaine sur notre identité. Qui regarde qui ? Pendant que les murs de la ville, les édifices, les lieux de connexions, les espaces… conditionnent notre existence, Binbin nous observe. On a l’air piteux…

Pendant que Binbin défile dans les rues de la ville, se joue (au hangar ) une scène primitive qui instruit sur cette nécessité du chant, de la célébration chez l’homme. Celui de l’aède, revenu des enfers sans sa femme, Eurydice. Dans l’interstice des reflets projetés sur les parois de la grotte, l’individu s’évertue à laisser une trace, à opposer une série de signes face au Mystère. Orphée parcourt l’espace devant lui qui l’éloigne de la porte des enfers et offre ainsi au monde le chant, la poésie lyrique ( et aussi Binbin ). Se retourner – comme Orphée – pour identifier l’objet de son désir équivaut à le perdre, c’est de cette façon que le mythe s’énonce ; tragique. Décider l’engagement dans un projet personnel demeure désormais impossible, annihilé dans le mouvement même qui souligne sa tentative d’œuvre. Que peut-on alors opposer aux moments de liesse organisés par la ville ? Un autre masque de carnaval qui inverserait le dispositif habituel réduisant tout acte en dehors du parcours du géant. Jean-Louis Pamart, pour cette huitième performance, s’évertue lui-même à inscrire des traces de l’être dans la lumière du monde, élabore pour nous résonances et vibrations sur les reflets et les ombres. Un homme, s’il peut accéder à la tangente du sensible, qui exécute un chant, rejoue pour nous l’origine. Il faut alors y puiser l’énergie qui charria le monde pour se donner les moyens d’œuvrer aujourd’hui. Les effets plastiques et sonores offrent une matière à sculpter. « Vous êtes ici ! », annonce la performance de Jean-Louis Pamart, mais alors où sommes-nous ?

Les citoyens sont dépossédés des référents qui, à la fois, les unissent pour élaborer une identité commune et les rattachent à leur ville. Les traces, les signes et les paroles… les échos que la ville produit ne parviennent plus à organiser une dérive qui ferait remettre au premier plan ce qui donne aux êtres un désir en propre, dégagés de la contamination générale. Faire l’effort de repenser sa ville pour extorquer quelque chose à opposer, un chant, n’importe lequel mais un chant. Exhortation. Quelle marge conserve l’œuvre pour intervenir sur le territoire ?

Antoine Jurga
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