La Ville État Limite n°9 - Politique, musique :
Professeur Tiroflan
11 septembre 2011
Critique de l'événement
Ca parle à tout le monde le 11 septembre. On sait tous ce que l’on faisait ce jour-là. Ca parle à tout le monde le tour du Saint-Cordon. La ville protégée de la peste par ce cordon sacré connaît désormais la paix, à l’intérieur. La singulière performance du professeur Tiroflan marque, en ce 11 septembre 2011, une rupture au cœur de l’enceinte. Plus il s’enfonce dans le labyrinthe utérin de l’installation, espace métonymique de la ville, plus il prend les accents d’un orateur, d’un secrétaire général de parti politique, délaissant peu à peu les paroles des chansons pour gagner en gravité. Parallaxie dans un lieu où la contestation a un sens. Le discours du professeur Tiroflan démultiplie les manières de s’adresser à un auditoire, tente une nouvelle forme pour faire en sorte que la parole conserve sa puissance pour l’action sur le terrain. Il s’évertue à dire, à redire avec humour, à augmenter par un discours redoublé, à parodier son propre propos par une déclamation vaine, à lancer un appel pour l’occasion, à juxtaposer le brouillage des discours ambiants par un slam tranchant, à relayer une parole savante, à clamer un manifeste qui n’atteint plus son auditoire. Un discours pour sourds alors ? Qui peut-entendre ce chaos verbal, qui peut recevoir un tel déluge dont les référents sont absents, lointains, irréels, déconnectés ? C’est pourtant pas faute de mouiller la chemise, pas faute d’engagement et de conviction. Le professeur Tiroflan percute, conserve le cœur à l’ouvrage, multiplie les annonces sur fond d’images de la vie ordinaire, d’actualité ou encore d’Histoire ; notre Histoire.

Il dit lui-même qu’on le condamne à la caricature. Mais alors comment s’extraire ? Résister comme il le fait, c’est au fond être autorisé par les maîtres à parler dans un espace précis dont les échos sont caducs. Le constat montre un désintérêt général pour l’engagement et un désir très grand pour la consommation. Plus on avance au cœur du corps social, plus l’espace se réduit, plus paradoxalement le mobilier s’enrichit ; de la chaise de cuisine des univers ouvriers à la chaise d’intérieur bourgeois. Le professeur Tiroflan nous propose une revue de presse cinglante avec la verve d’un tribun contemporain, d’un croyant qui aurait perdu la foi mais qui connaît toujours les raisons, les préceptes, les commandements nécessaires d’une position de résistance pour laquelle le libéralisme a invalidé les objets de révolte. Pourtant les annonces devraient nous sortir de l’apathie ! Rien n’y fait. Qui demeure encore sensible ? Mais alors qui est de mauvaise foi comme l’énonce le professeur Tiroflan ? « Le putain d’orateur » ne peut pas énoncer son discours de plus près, ou le scander davantage pour l’extraire de la confusion et de la surdité générale.

Antoine Jurga
Retour à l'accueil du projet « La Ville État Limite»